Retours de promenades...

J'ai toujours détesté l'odeur du pot d'échappement d'une voiture à essence. Autant celle du pot d'une voiture diesel, ça va. L'essence, ça me donne envie de vomir.
Heureusement, ils ont eu la bonne idée de mettre le pot d'échappement à la hauteur des genoux. C'est moins bien pour les enfants, qui ont eux, l'ont dans le nez.
Là, je reconnais que ça sent quelques chose ! Mais pas du tout l'essence, non, ça embaume le fenouil, ça me rappelle le jardin de ma grand-mère. Ses semelles qui raclaient le bitume annonçaient son arrivée, on l'entendait avant de la voir. On la sentait également avant que son image ne se matérialise. Elle sentait le fenouil en effet. Avec le recul aujourd'hui je dirais qu'elle sentait le pastis.
Le pastis, la menthe ou l'absinthe, tout ça avec modération. "Il faut mieux faire une soupe, car le temps se refroidit !" C'est du moins ce que j'aurais aimé pouvoir lui dire. Pour jardiner, elle s'y connaissait. Mais pour la cuisine...
La page qui tourne

 

 

 

Cette année-là, je me souviens m'être dit que je voulais vivre chaque instant comme le plus important de tous. J'avais le sentiment que tout était devenu solide, presque vivant.
En rentrant de l'école, hiver comme été, je prenais un chemin alambiqué. Mes parents s'étaient inquiétés au départ. Mais mon sourire et mes yeux brillants les ont vite rassurés.
Je passais par mes ruelles confidentielles. J'avais baptisé chacune d'entre elles. Ma favorite, la Ruelle au Grand Mur, m'impressionnait un peu. Elle était très étroite, et un grand mur gris envahi de plantes sauvages la bordait sur sa gauche. Sur sa droite, quelques maisons un peu anciennes. J'aimais surtout son coude : avant d'y arriver, on ne pouvait jamais savoir ce qu'il y avait ensuite. Souvent, il n'y avait rien, du moins rien d'autre que les maisons qui avaient toujours été là. Mais parfois un chat, un oiseau, ou plus rarement un passant, venaient rompre ma rassurante monotonie. Après cette surprise, je m'amusais parfois à escalader des murs pour voir si les magnolias avaient poussé, ou tout simplement pour le plaisir de faire quelque chose d'interdit. Je m'attardais à regarder par les interstices pour deviner à travers la disposition des jardins qui étaient les propriétaires des lieux.
Le jardin du bout de la ruelle, envahi par des arbustes mal taillés et où étaient entreposés des objets hétéroclites, ne pouvait appartenir qu'à une méchante sorcière. Les portes closes et envahies de ronces ne s'ouvraient probablement que sur des princesses endormies depuis cent ans.
Et je revivais là, dans ces ruelles qui m'étaient ô combien intimes, chacun des contes de mon enfance.
Noémie