La vieille Gitane

 

La vieille Gitane pouvait avoir entre 60 et 100 ans, difficile de lui donner un âge. Elle m’effrayait un peu lorsqu’elle sortait de chez elle escortée de ses chiens, ses cheveux blancs lui faisaient une crinière d’animal. Je l’évitais soigneusement, me tenant à distance autant que possible de sa présence et de son odeur.

Un jour que je la vis s’éloigner me vint l’idée de m’approcher de sa roulotte. Autant la personne m’était antipathique, autant l’endroit où elle vivait me fascinait et symbolisait pour moi une forme d’anticonformisme et d’exotisme absolu.

Je regardais d’abord par la fenêtre – j’étais grand mais j’avais quand même besoin de me hisser sur la pointe des pieds. A travers les vitres sales dépourvues de rideaux - seules les accroches de la tringle pendouillaient ça et là – j’aperçus les traces évidentes d’une vie domestique désorganisée : pêle-mêle d’objets et de couleurs sans aucune cohérence pour moi. Sur la table non débarrassée, des aliments voisinaient avec des collants dépareillés, roulés en boule.

Puis tout au fond une bibliothèque offrait à mon œil un contraste saisissant d’ordre et de familiarité. Plein de livres bien alignés, mais dont on devinait qu’ils étaient souvent consultés. Quelle surprise d’imaginer cette vieille sorcière en femme cultivée… Peut être ces livres n’étaient-ils qu’une compilation de formules secrètes, magiques, des maléfices destinés à attirer les pauvres types comme moi.

 

Georges