Le homard

  Je me souviens du homard en carton que nous avions peint dans le garage, et du spectacle du homard amoureux de la langoustine. Il avait eu lieu dans l’école de mon frère, un vieux bâtiment en tuffeau, comme le sont souvent les constructions de bord de Loire. Nous avions trouvé la couleur orange de la coque du homard auprès d’un ouvrier à la retraite des Chantiers Navals : il avait gardé des dizaines de pots de peinture qui avaient servi à peindre les coques des plus beaux bateaux.

 Accoutré de cette manière, mon frère n’aurait pas dépareillé au milieu du crébillonnage des bourgeoises nantaises. Cette année-là, les couleurs flashy étaient à la mode.

 La première réplique de mon frère avait été écrite par un certain Barbot. Et il devait commencer ainsi : « Une fois par mois, environ, le vaste quadrilatère de la place Viarme s’anime d’une vie passagère ». Sauf que « quadrilatère », dans la bouche d’un enfant de six ans, avait été transformé en un charabia incompréhensible. La belle histoire d’amour entre le homard et la langoustine débuta dans un grand éclat de rire.

Noémie