Magasin bien ordonné d'objets abandonnés

 

Unités de conditionnement bien alignées sur les tables, je ne peux m'empêcher de penser aux amas de vêtements, de chaussures, de valises déposés à l'entrée des camps de concentration.

Je retrouve cette impression dans tous les vide-greniers s'ils sont installés dans des espaces clos.

Ici, les artistes ont procédé par classement, ils ont séparé les textiles de la vaisselle, les jouets des livres, les cd des vinyles...

On a interdit aux visiteurs d'allumer les lumières, ils se promènent avec des lampes de poche.

Ordre leur a été donné de choisir trois objets et de les photographier. Peut-être seront-ils vendus aux enchères... Il n'y a aucun catalogue, les acheteurs devront proposer des prix.

Quelques flashes se déclenchent, éclairant furtivement la caverne, une deuxième pièce apparaît, dans un bac un lot de Barbies nues me donnent la chair de poule. Les objets en plastique sont les plus antipathiques, froids et sans mémoire. J'imagine des petites filles devenues grandes abandonnant leurs poupées dans des cartons furtivement déposés à la FRAT, des artistes contemporains les récupérant pour en faire le symbole de la solitude dans les grandes métropoles. Ils ont parfois l'idée de les désarticuler, de les démembrer pour en faire des compositions fantasmagoriques qui donnent froid dans le dos.

Rien de tel ici, elles sont simplement seules, nues dépossédées dans une boîte en carton. J'aurais envie de les acheter, rien que pour les rhabiller, elles ont vraiment l'air frigorifié.

N'y tenant plus, je saisis un bout d'étoffe dans une corbeille pour les couvrir.

« Halte là ! » On m'a vue, on m'interpelle : «  Enfin, madame, vous êtes dans une exposition ! Ne touchez pas aux œuvres, respectez le travail de l'artiste ! »

On me saisit par l'épaule, me pousse vers la sortie.

Enfin de l'air, de la lumière, je respire, j'échappe à l'Art Contemporain.

 

Marie-Annick