Retours de promenades...
Cette année-là, je me souviens m'être dit que je voulais vivre chaque instant comme le plus important de tous. J'avais le sentiment que tout était devenu solide, presque vivant.
En rentrant de l'école, hiver comme été, je prenais un chemin alambiqué. Mes parents s'étaient inquiétés au départ. Mais mon sourire et mes yeux brillants les ont vite rassurés.
Je passais par mes ruelles confidentielles. J'avais baptisé chacune d'entre elles. Ma favorite, la Ruelle au Grand Mur, m'impressionnait un peu. Elle était très étroite, et un grand mur gris envahi de plantes sauvages la bordait sur sa gauche. Sur sa droite, quelques maisons un peu anciennes. J'aimais surtout son coude : avant d'y arriver, on ne pouvait jamais savoir ce qu'il y avait ensuite. Souvent, il n'y avait rien, du moins rien d'autre que les maisons qui avaient toujours été là. Mais parfois un chat, un oiseau, ou plus rarement un passant, venaient rompre ma rassurante monotonie. Après cette surprise, je m'amusais parfois à escalader des murs pour voir si les magnolias avaient poussé, ou tout simplement pour le plaisir de faire quelque chose d'interdit. Je m'attardais à regarder par les interstices pour deviner à travers la disposition des jardins qui étaient les propriétaires des lieux.
Le jardin du bout de la ruelle, envahi par des arbustes mal taillés et où étaient entreposés des objets hétéroclites, ne pouvait appartenir qu'à une méchante sorcière. Les portes closes et envahies de ronces ne s'ouvraient probablement que sur des princesses endormies depuis cent ans.
Et je revivais là, dans ces ruelles qui m'étaient ô combien intimes, chacun des contes de mon enfance.
Noémie