17 décembre 2013
Epopée informatique
Texte collectif du 17 décembre, feuille qui tourne, 7 écrivains : Georges, Cécile et Cécile, Chantal, Yves, Noémie, Marie-Annick.
Ce matin, je me suis levée tard, j'avais mal dormi, au réveil j'avais mal au cœur, j'ai traînassé, feuilleté Télérama puis ouvert l'ordi.
A l'intérieur, des images chaotiques de gens, d'édifices ; la ville était là, à portée de main.
Ma mission : tout trier, cataloguer, RANGER. Autant dire : MISSION IMPOSSIBLE !
Une page ici, une autre là, mais il en reste toujours trois ou quatre inclassables. J'ai donc plié l'ordinateur, l'ai remisé sous mon bras et suis allée rencontrer Léon mon sauveur, le Dieu de l'informatique. C'est le vendeur au coin de la rue, mais il n'y a pas à dire, il n'a pas son pareil pour faire disparaître les brumes opaques qui cachent les solutions.
Il a ouvert la bécane et toutes les images, photos, rues de Nantes, se sont mises à danser, bouger dans un grand désordre ; aucune intervention de Léon ne remédiait à cette folie.
Il essaya quelques manœuvres informaticiennes mais la danse reprenait de plus belle, toujours plus vite, toujours plus échevelée devant mes yeux éberlués, lui-même n'y comprenait plus rien, il avait perdu son latin d'informaticien, il s'énervait: "ça buggue, ça buggue, c'est le bug du siècle là ! "
Il alerta tous ses collègues qui rappliquèrent devant mon écran... Malgré tout j'aurais aimé le récupérer.
« Non, pas question ! Qu'il contamine tous les autres ! Confisqué ! Il est confisqué !
Rentrez chez vous et ne vous avisez pas de protester, je vais en parler aux autorités compétentes, vous êtes sûrement responsable du phénomène... »
Je suis partie sans demander mon reste... en l'occurrence mon ordinateur.
La journée avait mal commencé...
« Mes exploits ordinaires »
Chaque matin, je me suis levée de bonne heure pour aller travailler, en me disant que d'autres se couchaient de bonne heure sans être allé travailler.
Je suis montée dans ma voiture qui, parfois, n'a pas voulu démarrer.
Je suis arrivée en retard car j'avais perdu mes clés que j'avais malencontreusement laissé tomber, la veille, dans la poubelle qui, heureusement, n'avait pas encore été vidée.
J'ai couru, je me suis essoufflée puis reposée, ensuite j'ai décidé de ne plus courir, de respirer.
Je me suis promenée sur les bords de Loire et j'ai quelquefois observé l'éléphant, lui-même observé par les touristes qui le considèrent comme une spécialité nantaise, au même titre que le Muscadet et les Ptits Lus.
J'ai erré dans les parcs où j'ai rencontré d'improbables passants :
avec ou sans chien,
avec ou sans poussette,
avec ou sans chapeau,
avec ou sans sourire.
J'ai marché dans la ville sur de longues distances, suivant un axe Ouest-Est ou Ouest-Est.
J'ai volé quelques fleurs, mais je les ai coupées soigneusement avec mon sécateur ; je ne me suis jamais fait prendre alors j'ai continué.
J'ai beaucoup fréquenté les bibliothèques et lu trop de romans.
Je n'ai pas su mémoriser le nom des rues que j'arpentais (sauf certains, remarquables : Desgrée du Loup, Basile Valentin, De la Galissonière, Kervégan, Pas du carrousel, Cour de la poule noire…)
mais je ne me suis jamais perdue.
J'ai franchi les ponts et osé le sud Loire, mais pas trop longtemps...Trop de tuiles sur les toits !
J'ai rencontré, boulevard Guisthau , dans un appartement sous les toits, un très vieux luthier que j'ai photographié avec ses outils.
Je ne suis jamais allée à la messe dans la cathédrale mais j'ai admiré le tombeau des parents d'Anne de Bretagne.
J'ai fait du bateau sur l'Erdre (ou sur l'océan) sans en avoir envie mais sans me plaindre.
J'ai conduit mes enfants dans des piscines trop chlorées pour leur apprendre à nager.
Je n'ai pas agressé mon vieux voisin acariâtre pourtant j'en ai eu envie plusieurs fois.
J'ai été voter dans l'école de mon quartier au milieu des immeubles du Breil Malville, avec de moins en moins d'enthousiasme.
Plusieurs fois, dans mes rêves, j'ai quitté la ville pour partir plus à L'Ouest....
mais je suis toujours là.
Marie-Annick
Petit Jules veille
Faire un saut périlleux
Le grand écart
Conduire un bateau sans permis
Faire du Roller à 68 ans
Se bruler sans rien ressentir
Venir à l'atelier d’écriture
Avoir son permis après cinq leçons
Me faire couper les cheveux avec la désapprobation de ma mère
Faire trois enfants
Dire ce que je pense, même si pour l'autre c'est difficile à entendre
Tomber du toit sans se faire mal
Arriver à deviner les choses juste en regardant les personnes.
Sac au dos, mine fière, me voici prête à arpenter les rue de Nantes, casque sur la tête et roller aux pieds. Le petit Jules assis sur son banc m'observe en passant, des visiteurs du musée Jules Verne aussi me regardent et je devine une pointe d'envie et d'admiration. Plus bas, vers le quai de la fosse, je passe devant un groupe de gamins, et j'entends, « t'as vu la vieille ». Là mon sang ne fait qu'un tour, piquée dans mon orgueil, je fais un demi tour spectaculaire et je stoppe devant le malotru, le regarde dans les yeux, me penche en avant, défais mon roller droit, que je lui tends « allez à toi ». Flottement, personne ne bouge, moment sublime où vous avez l'impression d'avoir gagné quelque chose. Une pirouette, un mot gentil, je détends l'atmosphère, et me dirige au plus vite vers la rue de la Montagne où pas loin, j'ai mon atelier d'écriture pour la première fois. Un autre challenge m'y attend, c'est la première fois et j'aime pas les premières fois. Oser écrire, alors qu'en sixième vous aviez moins vingt à votre dictée, à cause de vingt fautes d'orthographe. Allez un peu de courage, le permis en cinq leçons c'était aussi un challenge. Je me sens vidée, pas dans mon assiette, comme si j'allais faire le grand écart ou un saut périlleux : et si la feuille restait blanche. On me regarde, on me dévisage, mes cheveux sont-ils trop courts, mes lunettes de travers ! Non, mais venir à un atelier d'écriture, sans crayon c'est un peu bête. Allez, faut y aller, la consigne, ah !! la consigne. Ma page s'anime et mon crayon aussi, c'est comme un accouchement, oser, mettre un mot puis un autre. Mon crayon glisse en équilibre sur mes doigts, je tremble, je saute dans le vide. L’atterrissage est rude, les mots deviennent agressifs, désapprobateurs. Les doigts me brulent, sans laisser de traces, ils deviennent ennemis, je ne sais plus où j'en suis, comme un bateau à la dérive. Stop s'est fini. Le crayon se pose sur la table, je reprends mon calme, je trouve les personnes autour de la table très sympathiques. L'atelier est fini, vivement dans quinze jours.
Vers Saint Clair le groupe de jeunes me salue en passant avec un petit sourire. Petit Jules veille.
Chantal